Une petite goutte d’eau…

3 jours que je suis là et j’ai l’impression de ne jamais être partie ! Le quotidien que j’ai vécu pendant 5 mois il y a 2 ans  (ça fait beaucoup de chiffres dans une phrase :-) ) a juste repris naturellement… C’est à la fois étonnant et rassurant… Quelques petites différences tout de même :

-          Il y a une machine à laver !!!!!!!!!!!!!!!!!!! Truc de dingue, moi qui avait prévu mes habits en fonction du lavage à la main (pas de jeans, pas de serviette trop épaisse, etc…), je suis sur le c** ! Ce sont les derniers bénévoles chinois (ceux qui auraient dû être là pendant mon séjour, mais que finalement Krishna a réussi à convaincre de venir 2 semaines plus tôt :-) ), bref ce sont eux donc qui ont acheté cette machine à laver (entre nous, ça m’étonnait aussi que Krishna ait fait une dépense pareille, pour le prix de la machine, il aurait pu acheter tant de choses…). Je ne dis pas qu’elle ne soit pas utile, mais bon, ce n’était pas dans les priorités, il avait quand même 2 mois de loyer de retard à mon arrivée…

-          Il y a une chasse d’eau qui fonctionne !!!!!!! Idem, encore un coup des chinois ( Krishna m’expliquait que tous les bénévoles chinois qu’il a reçu était toujours très à cheval sur l’hygiène et le confort en général, d’où la machine à laver, d’où le système de chasse d’eau, d’où la petite douchette qui va avec (si vous connaissez les toilettes chinois…) Jusque là, on se contentait de verser un seau d’eau dans la cuvette, ça marchait très bien aussi ;-)

-          Le menu quotidien des enfants a changé : maintenant ils reçoivent une « roti » au petit déj, c’est une crêpe faite avec de la farine et de l’eau. Avant ils n’avaient qu’une tasse de thé, et du coup je leur filai tous les matins un petit biscuit pour agrémenter, ça a dû faire réfléchir Laxmi peut-être. Ensuite tous les jours, ils ont droit à un œuf au repas de midi (en plus du riz et légumes habituels, ça, ça n’a pas changé…), Krishna ayant décidé d’enrichir un peu leur alimentation en protéines suite à la remarque de nombreuses personnes sur la taille des garçons qui restent vraiment petits pour leur âge. (Mais moi je ne pense pas que ça soit lié à ça : ces enfants-là ont juste manqué de nourriture étant petits, pour ne pas dire qu’ils mouraient de faim… Et je ne suis pas sûre qu’ils puissent rattraper un jour le retard pris dans leur petite enfance. Pour autant, je trouve ça bien qu’il mange un peu plus de protéines maintenant). Ils ont aussi de la viande 2 fois par semaine et des fruits quand c’est la saison. Krishna m’expliquait que le fait qu’on le soutienne financièrement lui permettait d’améliorer et de varier un peu plus l’alimentation, j’en suis contente.

-          Sushma est partie… Elle laisse un grand vide dans la cuisine notamment, même si Yeshoda qui a pris le relais commence à cuisiner aussi tout doucement. Mais d’une manière générale, elle manque au groupe et surtout à Rubina je pense. Quand je leur montrais des photos que Matthieu m’a donné de sa visite ici il y a 2 ans, ils ont tous fait la même remarque : « Oh, Sushma didi… », ce qui veut dire « Sushma grande sœur ». Ils m’ont tous dit qu’elle leur manquait, normal vous me direz, si quelqu’un avec qui vous vivez au quotidien vous quitte, forcément c’est le grand vide… Elle appelle pour les grandes fêtes, dit un mot à chacun mais bon, je vois bien à quoi ça peut ressembler… Elle qui discutait des heures avec Rubina…

-          Les garçons ont grandi, enfin pas vraiment en taille, mais en maturité, je veux dire par là qu’ils sont devenus maintenant de vrais adolescents, donc autant dire qu’ils ne sont pas matures du tout^^ (pour les profs qui me lisent, je trouve qu’ils se sont un peu quatrièmisés ;-) ) Ils restent adorables malgré tout, mais leurs sujets de discussion ont changé d’après Niru, qui m’a tout de suite prévenu qu’ils se comportaient différemment. Pour l’instant, je ne vois pas trop la différence, mais faut dire que quand ils parlent entre eux en Népali, je comprends un ou 2 mots, alors bon :-) Mais ça se remarque un peu dans leur comportement, ils sont un peu plus dans la compétition, se font un peu plus mal en jouant au foot, prennent un ton plus « masculin » quand ils se disputent… Les filles, elles, n’ont pas trop changé, mis à part Yeshoda qui est vraiment devenue une vraie jeune fille (pour ceux qui se souviennent peut-être, il y a 2 ans, elle était encore un peu enfant, jouant avec les filles comme les garçons, ne sachant pas trop où se situer dans cette fratrie). Aujourd’hui, c’est clairement une jeune fille, qui passe son temps à des « occupations de filles » et  plus du tout de garçons… Elle est devenue super jolie mais reste toujours très discrète, parle peu, mais reste super efficace avec ses petites mains.

Sinon, mis à part ces changements, le quotidien est le même, inlassablement. Je me fais discrète les premiers jours (faut dire que je suis un peu à côté de la plaque à cause du décalage horaire), mais dès qu’un d’eux me demande de l’aide, je suis présente. Hier, j’en ai même oublié de me doucher^^ Faut juste que je me trouve un créneau dans l’occupation de la salle de bain :-)

Les retrouvailles se sont fait sans trop d’effusion, je les ai juste serrés fort dans mes bras (même si ça ne se fait pas trop au Népal) mais Niru m’a assuré qu’ils étaient très excités à l’idée de me revoir. Je le ressens tous les jours depuis mon arrivée et j’essaie de retrouver avec chacun, lors de la vaisselle ou des devoirs, l’intimité que j’avais avec eux quand je suis partie il y a 2 ans. Ca se fera tout doucement, à mesure que je rentrerais dans leur quotidien, je ne me fais aucun souci là-dessus, sauf que je ne reste qu’un mois cette fois-ci… D’ailleurs c’est la première chose qu’ils m’ont demandé : « How long do you stay this time ? », quand je leur ai répondu un mois, ils ont m’ont répondu : « seulement ! » Ca m’a fait sourire, mais c’est vrai que ça va passer vite… Il n’y a donc pas de temps à perdre !

Concernant les finances, j’ai fait le point avec Krishna, on a eu une vraie discussion sur les dépenses, leurs projets. J’ai effacé toutes leurs dettes chez l’épicier, le marchand de légumes, le boucher (en fait, pour mieux évaluer leurs dépenses, ils ont un compte chez chaque marchand, qu’ils règlent à la fin du mois, et comme par hasard, ils ont attendu que j’arrive pour les régler ;-) Cela dit, ils attendaient le virement de juillet depuis 3 semaines, je ne les blâme pas, on s’était mis d’accord avec Krishna que si j’amenais l’argent avec moi, ça reviendrait moins cher en frais bancaires). Ils avaient aussi 2 mois et demi de loyer de retard, et le propriétaire veut à nouveau augmenter le loyer :o Il commence à me saouler celui-là ! Je n’ai donc réglé que 2 mois, et j’ai dit à Krishna de lui dire que financièrement c’était pas possible d’augmenter… On verra bien, mais bon, comme me disait Krishna, si il en décide ainsi, il faudra bien suivre… Concernant les comptes, on a fait le bilan des recettes (son salaire qu’il touche au lance-pierre et que j’avais surévalué, ou peut-être n’avait-il pas voulu m’avouer qu’il gagnait si peu), les dons de quelques bénévoles qui sont passés, et les dépenses mensuelles. Bon ben si on peut, ça serait bien que le PAON donne un peu plus, je vais en parler au retour avec les membres de mon conseil d’administration (ça fait très pro, hein ?!). Krishna a bon espoir que les chinois-machine-à-laver-chasse-d’eau lui envoient un peu d’argent par la suite, je lui ai dit de me tenir au courant. Lui ce qu’il souhaiterait à terme et je le comprends, c’est de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille avec son petit salaire, et que l’orphelinat tourne « tout seul » avec les parrainages et les dons. Sauf que c’est pas gagné encore^^ En attendant, je lui ai dit que PAON l’aiderait comme il pourrait, il m’a remercié mille fois. Je suis vraiment contente de l’avoir rencontré, c’est vraiment quelqu’un de bien.

Bon voilà, mon premier bilan au bout de 3 jours c’est je suis contente d’être ici :-) Je relativise cependant mon utilité, en tant qu’adulte dans cette maison (les enfants sont très autonomes) et en tant que présidente de la petite association PAON. J’aimerais pouvoir faire plus, aider plus d’enfants, parce qu’on est bien d’accord, c’est une goutte d’eau dans l’océan… Mais bon je me dis que c’est déjà super important d’en faire partie de cette goutte d’eau, non ?

Et de 3 donc…

Vous vous demandez peut-être comment on se sent la veille d’un 3eme départ pour un voyage à caractère humanitaire ? Bon ok vous vous en foutez, mais je vais quand même essayer de vous donner une réponse :-) Ne serait-ce que pour faire moi-même un petit point psychologique avant de partir…

Alors je dirais que je me sens à la fois sereine, excitée, angoissée, pressée… C’est assez bizarre… Depuis que ma valise est prête, je n’ai qu’une envie, c’est de monter dans ce train qui m’emmènera à l’aéroport ! Je pense tout avoir mis dans mon sac, et à côté de celui que j’avais préparé il y a 2 ans, c’est de la gnognote, il ne fait que 21 kg^^ bon il faut bien avouer que cette fois-ci, c’est presque trop facile, je ne pars qu’un mois, les conditions climatiques ne vont pas changer, c’est la mousson, donc veste de pluie de rigueur et habits légers… Quelques médicaments (mais beaucoup moins qu’il y a 2 ans), et puis surtout des affaires pour eux : des jouets, des vêtements, du chocolat etc… Mon passeport et ma carte bleue et hop, le tour est joué ! Ce ne sont vraiment pas les considérations matérielles qui m’inquiètent cette fois-ci, je suis prête ! Prête à affronter le riz, la pluie, l’eau non-potable, les coupures d’électricité, la lessive à la main, la viande du marché, les moustiques, les chiens qui hurlent la nuit… Mais en fait, pourquoi je vais là-bas encore ?!

Comme dirait ma doc lors de mon dernier vaccin : « Si c’est la troisième fois que vous y allez, c’est que ça doit vous plaire… à moins que vous ne soyez maso… ». Bonne remarque ! C’est vrai qu’il faut être un peu maso pour passer la moitié de ses congés d’été dans un pays pauvre à l’autre bout du monde, où je ne vais même pas me reposer en plus… Mais voilà, au cas où vous l’auriez oublié, j’ai laissé un truc super important là-bas : mon ventricule droit ! Il va bien falloir que j’aille le récupérer ! (ou pas… entre nous le retour m’angoisse déjà, mais bon, on va essayer de se concentrer sur les retrouvailles avant de penser déjà à la séparation…)

Bref, donc me revoilà à partir pour le Népal, pour retrouver mes petites têtes brunes, essayer de passer un maximum de temps avec eux, me nourrir des rires, des sourires, des instants de complicité, leur prouver que oui des bénévoles peuvent être fidèles et que non on ne les oublie pas une fois rentré dans notre pays. Depuis 4 ans maintenant, bien-sûr l’envie ne m’a pas manqué de partir à d’autres bouts du monde, comme le font bien d’autres bénévoles que j’ai croisé au cours de mes voyages là-bas, mais moi ce qui m’intéressait et m’intéresse toujours c’est de m’inscrire dans un projet à plus long terme qu’un seul voyage de quelques semaines… Alors vous vous lancez dans un premier voyage, et 4 ans plus tard, vous vous retrouvez à la tête d’une association, qui certes petite et humble, porte ses fruits ! Ma responsabilité en tant que présidente de cette assoc’ est de veiller à la bonne utilisation de l’argent récolté au nom de ces enfants. Oui parce que c’est bien beau d’envoyer de l’argent dans un pays pauvre, encore faut-il s’assurer de sa bonne utilisation… pas que je n’ai pas confiance en Krishna (j’ai vécu avec eux pendant 5 mois, je sais qu’il est sincère) mais c’est en sa capacité de gestion et de comptabilité que j’ai plus de doutes… Je ne lui jette pas la pierre : quand on n’a jamais eu d’argent, on ne sait pas forcément gérer les dépenses dès qu’on en a un peu… et puis c’est dans leur culture : on se soucie moins du lendemain que du jour présent (difficile à comprendre pour nos yeux d’occidentaux…).

Alors voilà, j’y vais donc pour ces deux raisons : retrouver mes loulous (ils auront changé je pense !) et voir un peu comment se portent les finances. Le reste n’a pas d’importance, le pays, les conditions de vie, les petits désagréments au quotidien… C’est pour eux, par eux, en eux que je vivrai avec bonheur ce 3ème voyage : Nepal here I come !!!