Voilà une semaine que je suis à l’orphelinat, une semaine pour me remettre du décalage horaire, pour m’acclimater, pour observer et pour trouver ma place ici. Et je crois bien que je l’ai trouvé. Je donne un bon coup de main pour les tâches ménagères (j’ai réappris la cuisine népalaise, je retrouve les joies des lessives à la main), j’emmène les enfants à l’école, je les aide à faire leurs devoirs (et je réapprends le népali), j’apprends des jeux népalais, et j’ai retrouvé mon rôle de robinet.
Que je vous explique : ici, il n’y a pas d’eau courante, on a trois sources d’eau : 1 puits (n°1) peu profond qui donne de l’eau limpide mais en faible quantité (surtout en cette période sèche précédent la mousson), 1 puits (n°2) qui donne de l’eau à la couleur très douteuse mais en quantité ; et 1 tank placé sur le toit de l’orphelinat, qui alimente le robinet de la cuisine et celui de la salle de bains du haut. Cette eau est « drinkable » d’après Laxmi, mais je vous avoue que je n’ai pas essayé de la boire,[correction après avoir vu comment la cuve était remplie, il n’y a aucune chance que cette eau soit buvable !], donc je me contente pour l’instant de boire de l’eau minérale, et, pour ne pas trop acheter de bouteilles en plastique qui polluent énormément (je reparlerai dans un autre article de la gestion -ou plutôt non gestion- des déchets…), je fais bouillir de l’eau du robinet de la cuisine. Pour l’instant, je ne suis pas malade, touchons du bois. Bref, donc pour la cuisine, on utilise l’eau du tank, pour la vaisselle, l’eau de puits n°1 si il y en a assez (ce qui n’est jamais le cas, en fait..), et l’eau du puits n°2 pour le reste de vaisselle (pour l’hygiène, bof bof…), la lessive et le lavage des sols. Autant vous dire que les habits ne sont jamais très propres, mais tout est relatif ici.
Kathmandu est une ville très polluée, dans l’air et dans le sol. Donc quand vous passez une journée dehors, vous rentrez chez vous plein de poussière et les poumons noircis, sauf si comme la plupart des gens, vous portez un masque. Je vais d’ailleurs m’en acheter un, parce que pour l’instant avec mon cheche, je ressemble plutôt à un taliban qui se serait perdu loin de chez lui ! Bref, c’est très pollué, à cause d’une circulation très dense qui soulève beaucoup de poussières sur les routes pas toutes goudronnées. C’est vraiment très, très pollué. Kathmandu étant dans une vallée enclavée entre les montagnes, il y a un smog permanent. Au bout de 2 jours, les affaires dans ma chambre étaient recouvertes d’une couche de poussière noire, depuis j’ai fermé les fenêtres et je ne les ouvre plus…
Bref, revenons donc à mon rôle de robinet. J’ai complètement digressé là… (d’une manière générale, j’ai 10 000 choses à vous raconter, donc je vais surement digresser souvent, ne m’en veuillez pas:-) ). Donc quand les enfants ont fini de manger, ils viennent chacun laver leur assiette derrière la cuisine à l’extérieur. Et ils ont besoin d’eau pour rincer. C’est là que j’entre en jeu. Pourquoi me direz-vous ? Ben essayez simplement de faire la vaisselle sans robinet mais avec une petite cruche de 200 mL que vous remplissez en puisant dans un seau. Vous verrez comme c’est galère. Ah oui et j’oubliais, la vaisselle, elle se fait à même le sol, qui est sale, donc vous ne pouvez pas poser votre assiette par terre. Vous visualisez bien là ? Il y a 2 ans déjà, je me disais, nan mais attends, c’est pas possible de faire la vaisselle comme ça, il leur faut un robinet. Donc j’ai commencé à leur verser de l’eau pour rincer, et il s’avère que c’est plutôt efficace (ça permet d’en économiser) et c’est bien plus rapide comme ça. (Vous me direz, il suffit d’installer une pompe et un évier et c’est réglé… mais n’oubliez pas qu’on est au Népal ici…) Donc maintenant je donne de l’eau pour rincer la vaisselle, pour se brosser les dents (je reparlerai de l’hygiène dans un autre article sinon je vais vraiment digresser..), pour se laver les mains et les pieds, en gros dès qu’il y a besoin d ‘un robinet quoi… « Paani, paani, Miss, please ! », ce qui signifie « de l’eau, de l’eau, stp ! ». Ce matin, j’ai cru que j’allais leur dire comme dit ma sœur Emma à ses petits : « Je n’ai que 2 bras ! ».
Bref, tout ça se passe dans la plus sympathique des ambiances, les enfants sont sortis de leur timidité, on rigole bien, ils se moquent un peu de moi quand j’essaie de parler népali, mais ils m’aident bien, en échange je corrige leur anglais, et puis je les fais réviser. J’ai réappris à faire des tresses aussi. Je soigne des petits bobos. Certains me prennent par la main pour aller à l’école. On a beaucoup joué pour l’instant, car il y a eu deux jours de grève des profs (qui manifestent parce qu’ils sont vacataires depuis des années à ce que j’ai compris, et qu’ils voudraient qu’on les titularise… Finalement, les problèmes sont les mêmes partout, mais ça j’en reparlerai dans un autre article…). Du coup, c’était vraiment l’occas’ de se rapprocher des enfants. Ils sont super bons aux échecs (je me suis pris une raclée !) et d’une manière générale à tous les jeux auxquels on joue, le badminton, la corde à sauter, les jeux de carte (ils apprécient bien le jeu de 7 familles d’ailleurs, K, merci ! ) et bien d’autres encore. Je les retrouve comme je les avais quittés la dernière fois. Enfin pas tout à fait… En mieux. La petite Sushma m’a demandé l’autre jour combien de temps j’allais rester cette fois-ci et quand je lui ai répondu : « Five months », elle a eu l’air surprise, alors je lui ai dit : « Do you think it’s too long or… ? » alors elle s’est exclamée dans un grand sourire : « No, no, five months is good, good ! ». Et je suis d’accord avec elle.