Ok… par quoi commencer ?
J’ai vu tellement de choses en ces 9 derniers jours, j’ai vu tant de régions différentes, de modes de vie différents… bon je vais essayer de suivre la chronologie…
On avait donc prévu d’aller voir Mithu, qui habite dans un village près de Nepalganj, la ville où a grandi en partie Krishna. C t donc l’occaz aussi de rendre visite à la famille de Krishna et de bénéficier d’un hébergement gratuit. L’occaz de rencontrer sa grand-mère notamment (87 ans ! c super vieux pour le Népal !) qui est une femme adorable et qui m’a permis de faire la meilleure sieste de ma vie, en chantant une berceuse pour son arrière-petit-fils de 4 ans… finalement je me suis endormie la première :)
On devait rencontrer Mithu le jour même, sauf qu’il s’est avéré qu’elle n’était pas revenue de son village natal (dans la montagne) où elle avait passé les fêtes. On devait donc attendre le lendemain matin. On en a donc profité pour faire une petite visite de la ville (rien d’exceptionnel, si ce n’est un temple hindou assez impressionnant). Le lendemain matin, pas de nouvelles de Mithu, mais à la fin de matinée, elle nous appelle pour nous dire que la chèvre de ses grands-parents est malade et qu’elle a du l’emmener chez le véto^^ ça s’invente pas comme excuse ça, franchement ! du coup elle ne reviendrait que le lendemain.
Etant donné que Mithu a la bonne idée d’habiter juste à côté d’un parc national abritant une multitude d’animaux sauvages, on en a profité pour aller le visiter en attendant que Mithu soit dispo. Ca a été l’occaz de visiter un vrai village Tharu (une tribu locale, vivant de la culture du riz) et de faire un safari dans la jungle (la forêt est tropicale dans le sud du Népal, luxuriante à souhait !). On espérait voir le tigre du Bengale (on peut tjs rêver), et on a vu… ses empreintes sur le chemin ! Rien que de voir les empreintes, je vous assure, on était déjà fin heureux ! On a vu plein d’animaux, surtout des daims sauvages, des singes à têtes noires, des macaques, des empreintes d’éléphants au bord de la rivière (impressionnant !), un rhino de loin, enfin plutôt les fesses d’un rhino, il a jamais voulu se retourner :) , un crocodile se dorant la pilule au bord de la rivière, bref, c t super chouette !
Puis on a quitté la jungle et on est allés rendre visite au père de Krishna, qui habite un petit village pas très loin de là. Lui et sa femme (la belle-mère de Krishna, sa mère étant décédé quand il était petit) ont couru après le poulet, pour nous le cuisiner pour le diner, c t très pittoresque. De mon côté, vu que je voulais pas participer à la course au poulet, je suis allée voir de plus près la récolte du riz (en fille d’agriculteur qui se respecte) et j’ai découvert une agriculture à des antipodes de la nôtre, avec des moyens ancestraux : la coupe à la faucille, le séchage sur chaumes, les fagots de paille, le battage du riz à la main ou avec des bœufs… et pour travailler la terre des buffles tirant une charrue à un soc, et une poutre de bois en guise de herse… Et j’avais beau être à l’autre bout de monde, j’ai retrouvé les mêmes odeurs de paille séchée, le même parfum de la terre fraichement retournée et de l’humidité qui s’échappe du sol. C t bluffant de ressemblance. Le bruit du tracteur en moins…
Le soir, après avoir fait sa fête au poulet, on a profité du toit terrasse et du ciel dégagé pour regarder les étoiles et enfin voir les Orionides (des jours que j’essayais en vain de les observer), c t chouette. Le lendemain, on est repartis à pied, à travers la forêt, et on a rejoint la nationale pour rentrer sur Nepalganj et enfin voir Mithu.
On y est allés en scooter (celui de la belle-sœur de Krishna), et j’ai kiffé la petite route de campagne :) Mithu nous attendait au bord de la route, je l’ai serré très fort, mais elle m’a semblé très timide, trop timide… Elle nous a précédé sur le chemin qui menait à la maison de son oncle, on a zigzagué dans les rizières, et une fois qu’on était presque arrivés, elle nous a dit de faire attention parce qu’il pouvait y avoir des serpents ! Evidemment, moi j’avais mis mes tongs… Krishna aussi… Bref, on a été très bien accueilli par sa famille, composée donc de son oncle, sa tante, Mithu et ses deux petits frères. Mais assez vite, j’ai senti qu’il n’y avait un truc qui n’allait pas, j’ai retenu mes larmes de voir Mithu si effacée, quasi absente… Il manquait son rire au éclat, ses bêtises, son affection… Je lui ai alors demandé de me faire un tour du propriétaire, histoire qu’on soit un peu seules toutes les deux. Elle s’est un peu détendue et on a pu discuter un peu. Je lui ai demandé de manière très directe si elle était bien traitée et si elle était contente de vivre là. J’ai eu droit à un petit « oui », que son oncle et sa tante étaient bons pour elle, mais qd mm, ils n’avaient pas pu lui payer tous ses livres et elle manquait de cahiers… Elle a fini par me dire aussi qu’elle n’avait pas de chaussures, ni de chaussettes pour aller à l’école… Et puis elle a conclu en disant qu’elle voulait continuer à aller à l’école, mais qu’elle ne savait pas si ca serait possible car son oncle devait déjà subvenir aux besoins de ses propres enfants (qui sont plus grands et qui ne vivent plus sur place). J’ai senti le vent tourner… A notre retour, tout le monde était en panique car un serpent rodait autour de la maison, son frère est venue nous escorter avec un bâton, ça m’a pas franchement rassuré… On a retrouvé Krishna en grande discussion avec l’oncle et là, j’ai compris que Krishna était énervé. L’oncle venait de lui demander si il était possible qu’on aide encore Mithu pour les frais de scolarité, parce que lui ne pouvait pas lui payer. Ce à quoi Krishna a répondu, à raison, qu’en quittant l’orphelinat, ils savaient qu’elle ne serait plus prise en charge financièrement. Qu’elle laissait la place à une autre fille, et que l’objectif de l’orphelinat, c t déjà de subvenir aux besoins des enfants qui y résidaient, mais pas ceux qui décidaient de le quitter. On ne peut pas malheureusement aider tout le monde, ceux qui partent, ceux qui restent, ceux qui arrivent….
J’ai ajouté que si ils voulaient qu’on l’aide, elle pouvait simplement revenir à Katmandou avec nous et finir ses études. Ca ne leur couterait pas une roupie. Mais bien-sûr ce n’était pas dans les plans de l’oncle, qui a trouvé en Mithu et son frère (qui est revenu comme elle) une main d’œuvre précieuse… En gros, il veut le beurre, l’argent du beurre et la cremière… (Et puis, il ne faut pas se leurrer, quand bien même on lui paierait ses frais de scolarité, je suis persuadée que dans ces conditions, elle n’arrivera jamais à suivre, déjà à Katmandou elle avait des difficultés, alors là…). On lui a laissé un peu d’argent pour acheter ce qui lui manquait et on est repartis… sur le sentier du retour entre les rizières, Mithu a discuté avec Krishna, il m’a expliqué qu’elle regrettait d’être partie, qu’elle avait imaginé que sa vie serait meilleure ici. On est persuadés avec Krishna que ce n’est pas elle qui a pris cette décision, et qu’elle a été manipulé… La cerise sur le gâteau, c’est que Mithu et ses frères devaient récupérer la propriété de ses parents décédés, mais l’oncle a vendu leurs terres pour faire sortir son fils maoiste de prison… Ils n’ont donc plus rien à eux… J’étais dégoutée quand j’ai appris ça, Mithu aussi surement… Elle se retrouve donc à vivre avec un vieil oncle et sa femme, sur une propriété minuscule, à faire les difficiles travaux pour eux (il fait une chaleur à crever dans cette région et le travail de la terre est très éprouvant), en n’ayant même pas le temps de faire ses devoirs (et puis de toute façon, elle n’a même pas tous les bouquins donc…). Je l’ai serré bien fort dans mes bras, lui ai assuré notre soutien si elle avait besoin d’aide, qu’elle n’hésite pas à appeler Krishna si nécessaire. Mais elle est coincée dans cette famille… je l’aurai bien pris sur le scooter avec nous au retour je vous assure… J’ai séché mes larmes tant bien que mal sur le trajet, pestant contre cette fatalité que subissent ces enfants… Mais on ne pouvait pas la kidnapper, n’est-ce pas ?
Ici se termine notre voyage à Nepalganj, la suite au prochain épisode… Ca me retourne encore le bide cette histoire, même si je me suis plus plus ou moins fait une raison…